Les salaires minimaux comme instrument de pilotage du marché de l’emploi

Les salaires minimaux légaux sont un instrument de pilotage du marché de l’emploi dans le cadre de la politique économique et sociale. Ceci est également le cas en dehors des pays européens, par exemple aux USA, au Canada et au Japon. Selon le rapport du WSI de février 2022, 37 Etats disposent d’un salaire minimal dans le monde. Ainsi, au sein de l’UE-27, 21 des 27 Etats membres disposent d’un salaire minimal interprofessionnel, dont l’Allemagne, la Belgique, la France et le Luxembourg. Seuls six pays (Danemark, Finlande, Suède, Autriche, Italie, Chypre) n’ont pas de salaire minimal interprofessionnel, mais des salaires conventionnels fixés par branche.1

Trois groupes de pays au niveau du salaire minimum

L’analyse des salaires minimaux existants au sein de l’UE fait apparaître de grandes disparités. Leur montant varie entre 13,05 € (Luxembourg) et 2,00 € (Bulgarie) par heure. On peut distinguer trois groupes de pays au niveau des salaires minimaux :

  • Le premier groupe, avec des salaires minimaux relativement élevés, comprend en tout six Etats, dont font partie les quatre pays de la Grande Région. Pour tous ces pays le salaire minimal est au-dessus de 10 €. Le Luxembourg (13,05 €) est largement en tête. L’Allemagne est à la 6e position (9,82 €). L’augmentation à 10,45 € au 1er juillet 2022 l’a placée au milieu, et suite à l’augmentation en octobre 2022 à 12 €, elle se situe en 2e position après le Luxembourg.
  • Le deuxième groupe n’est pas identifié géographiquement puisqu’il se compose de la Slovénie (6,21 €) et de l’Espagne (6,06 €).
  • Le troisième groupe comprend également des pays du sud comme des pays de l’est, tels que Malte (4,57 €) et la Lituanie (4,47 €). Seuls les pays ayant les salaires les plus bas sont composés uniquement de pays de l’est, comme la Hongrie (3,21 €), la Roumanie (3,10 €) et la Lettonie (2,96 €).

Salaires minimaux légaux dans les pays composant la Grande Région (01/01/2022)

Disparités sur la valeur relative des salaires minimaux

Les différences de niveau entre les salaires minimaux nationaux se réduisent lorsque l’on se base sur les standards de pouvoir d’achat (SPA). Si l’on prend en compte le coût de la vie, le rapport entre les salaires minimaux les plus bas et les plus élevés diminue. Le Luxembourg, la France et les Pays Bas restent dans le groupe de tête, avec des valeurs allant de 9,09 à 8,61 €. L’Irlande se démarque avec des valeurs nettement plus basses (7,31 €). La Pologne et la Lituanie profitent de prix proportionnellement bas (respectivement 6,25 € et 6,14 €).

L’indice Kaitz permet de définir le montant relatif du salaire minimal dans un environnement économique et souligne l’importance des réglementations nationales. En mettant en relation le salaire minimal légal et le salaire médian, il fait apparaître des niveaux de pouvoir d’achat très différents selon les pays.

Au sein de l’Union européenne, l’indice Kaitz varie entre 43,9 % (République tchèque) et 65,9 % (Bulgarie). En 2020 seuls trois pays dépassent le taux de 60 %, considéré comme le taux de pauvreté, soit la Bulgarie (65,9 %), le Portugal (65,1 %) et la France (61,2 %). Le Luxembourg et l’Allemagne sont à des niveaux inférieurs, et la Belgique se situe en avant dernière position parmi les pays de l’Union européenne, avec seulement 44,1 %.

Nouvelle politique européenne pour des salaires décents

Le salaire minimal se définit en général comme une valeur seuil pour les rémunérations nominales au-dessous de laquelle l’employeur ne peut pas passer. Selon un document de consultation de la Commission européenne du 14 janvier 2020, la situation des travailleurs à bas salaires s'est détériorée et les inégalités salariales se sont accrues.

Un travailleur sur six dans l'UE perçoit un bas salaire - et ce ratio est en hausse.

En septembre 2022, le Parlement européen a adopté une nouvelle législation sur des salaires minimaux adéquats dans l’UE. La législation de l’UE, qui a fait l’objet d’un accord en juin avec le Conseil, vise à améliorer le niveau de vie et les conditions de travail de tous les travailleurs européens ainsi qu’à promouvoir le progrès économique et social.2

La fixation d’un salaire minimal restera une compétence nationale, mais les États membres devront s’assurer que leurs salaires minimaux nationaux permettent aux travailleurs de vivre décemment, en tenant compte du coût de la vie et des différents niveaux de rémunération. Afin d’évaluer l’adéquation de leurs salaires minimaux légaux existants, les États membres peuvent établir un panier de biens et de services à des prix réels, ou le fixer à 60 % du salaire médian brut et 50 % du salaire moyen brut.

Les Etats de l’UE disposeront de deux ans pour se mettre en conformité avec la directive. Les États membres dans lesquels le salaire minimal est déjà protégé par des conventions collectives ne seront pas tenus d’appliquer ces règles.

Cette proposition de directive avait fait l’objet de controverses : tandis que la plus grande partie des syndicats européens soutenaient la politique du salaire minimal, la plupart des syndicats d’employeurs la rejetaient. Les pays d’économie libérale comme l’Autriche ou les Pays Bas ainsi que gouvernements de droite populaire comme la Pologne ou la Hongrie n’approuvaient pas cette initiative, alors que les gouvernements de gauche comme l’Espagne ou le Portugal étaient un des plus grands soutiens.

Les différentes conceptions du salaire minimal

On distingue différents champs d’application. Le plancher fixé par le salaire minimal s’applique en principe de manière équivalente à tous les salariés. Des exceptions s’appliquent néanmoins à certaines branches ou professions ou à certains publics (jeunes, stagiaires, jeunes en formation).

Détermination et réajustement variables des taux de salaire minimal

Des disparités existent également dans les Etats au niveau de la fixation et la revalorisation du salaire minimal. Thorsten Schulten3, expert en droit du travail et conventions collectives au sein du WSI, mentionne trois modèles globaux :

  1. Modèle de consultation : Consultations institutionnalisées entre les employeurs et les syndicats
  2. Modèle de négociation : Négociations nationales entre les employeurs et les syndicats
  3. Modèles d’indexation : Réajustement „automatique“ à l’évolution des prix et des salaires

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Sources :

1Cf. Lübker, Malte / Schulten, Thorsten (2022): WSI-Mindestlohnbericht 2022: Aufbruch zu einer neuen Mindestlohnpolitik in Deutschland und Europa, Ausgabe 02/2022.

2 Parlement Européen, service de presse (14.09.2022): Annahme neuer Regeln für angemessene Mindestlöhne in der EU (19.12.2022)

3Cf. Schulten, Thorsten (2008): Die Entwicklung in Europa - Geht der Trend in Richtung gesetzliche Mindestlöhne? Vortrag Wirtschafts- und Sozialwissenschaftliches Institut (WSI) - Hans Böckler Stiftung im Rahmen der UNIA-Fachtagung "Gute Arbeit zu fairen Löhnen", Zürich 2008, S.4.

 

Champs d’application et exceptions des salaires minimaux

Le plancher fixé par le salaire minimum s’applique en principe de manière équivalente à tous les salariés. Des exceptions s’appliquent néanmoins à certaines branches ou professions ou à certains publics (jeunes, stagiaires, jeunes en formation).

Les tableaux ci-dessous font état des champs d’application et des exceptions existant dans les quatre pays de la Grande Région :

Après un statut de retardataire, l’Allemagne fait figure de modèle pour un salaire minimal adapté en Europe

En l’espace de deux ans (depuis 2021) le salaire minimal a augmenté de façon significative en Allemagne. De 9,50 €/h en janvier 2021, il est passé à 9,60 € en juillet de la même année.  Il a été fixé à 9,82 € en janvier 2022, puis 10,45 € au mois de juillet.

Le relèvement du salaire minimal à 12 € en octobre 2022 fait passer l‘Allemagne à la 2e place après le Luxembourg au niveau des salaires européens. Il atteint ainsi 60 % du salaire médian, objectif souhaité par la nouvelle directive européenne.

Augmentation progressive du RMMMG prévue par les partenaires sociaux

Les partenaires sociaux réunis au sein du Conseil National de Travail (CNT) avaient décidé en 2021 d’une augmentation régulière du RMMMG en trois phases (2022, 2024, 2026). La première, fixée en avril 2022, a été plus forte que prévue (+ 4,9 %) entre décembre 2021 et avril 2022, en raison d’une forte inflation. Un réajustement du salaire minimal a ensuite été opéré en raison de la variation de l’indice des prix (+ 8,24 %) entre avril et décembre 2022.

Depuis le 1er avril 2022, les règles concernant le RMMMG (revenu minimum mensuel moyen garanti) ont changé en vue d’une revalorisation significative. La distinction en matière d’âge et d’ancienneté prévue dans la CCT n°43 est supprimée au 1er avril 2022 (18 ans, 19 ans et 6 mois d’ancienneté, 20 ans et 12 mois d’ancienneté). Il n’y a donc plus qu’un seul revenu minimum, celui qui était prévu pour les travailleurs de 18 ans et plus.

En revanche, les publics concernés par la convention collective de travail n°50 (travailleurs de moins de 18 ans et étudiants) continuent à percevoir un pourcentage du RMMMG selon l’âge. Les pourcentages de réduction ont néanmoins été diminués.

Un double réajustement du SMIC en 2022 en raison de l’inflation

En principe, le SMIC est revalorisé au 1er janvier de chaque année. Mais le Code du travail prévoit une revalorisation mécanique du SMIC dès que l’indice des prix à la consommation (IPC) augmente d’au moins 2 % depuis la précédente revalorisation du SMIC. Cela s’est produit en 2022.

En effet, après une augmentation « normale » au 1er janvier 2022 de 0,9 %, le SMIC a été revalorisé de 2,65 % au mois de mai 2022, l’évolution de l’indice des prix à la consommation ayant atteint ce pourcentage. Le même mécanisme s’est produit au mois d’août, donnant lieu à une augmentation de 2,01 %. Sur un an (d'août 2021 à août 2022), le SMIC a ainsi augmenté de 7,76 %.

Revalorisation du SSM dans un contexte d‘inflation
En raison de l’inflation, le SSM a connu une hausse globale de 5 % entre janvier 2021 et fin 2022. Après une augmentation au mois de janvier 2021 - due à l’ajustement au niveau général des salaires-, il a été revalorisé de 2,5 % au 1er octobre de la même année suite à un changement d’indice (un indice des prix à la consommation qui tient compte de l’inflation dans le pays). Il a de nouveau crû en avril 2022 selon le même principe.

Le salaire minimal luxembourgeois est le plus élevé des pays de l’Union européenne. Néanmoins, la forte inflation en 2022 a limité l’effet positif de sa revalorisation et grignote le pouvoir d’achat des résidents. Selon la Chambre des Salariés du Luxembourg (CSL), le salaire minimal luxembourgeois n’est pas en mesure d’atteindre le budget de référence défini comme étant le budget minimal requis pour une vie décente. La Commission européenne fixe à 60 % le seuil de référence du salaire minimal par rapport au salaire médian à temps plein. Selon les données de l’OCDE, le Luxembourg se situe à la 5e place en 2020. Les entreprises de leur côté attirent l’attention sur le coût salarial au Luxembourg. Avec une moyenne de 43 euros par heure, il fait partie des plus chers en Europe.